Homo floresiensis : le petit dernier de la famille ?

 

Un étrange squelette


Mais à qui appartient le petit squelette mis au jour en septembre 2003 par une équipe australo-indonésienne dans la grotte de Liang Bua, sur l'île de Flores ? Depuis l'annonce de la découverte*, la polémique n'a jamais cessé.

Pour ses découvreurs, il s'agit clairement d'un représentant d'une nouvelle espèce d'homme – Homo floresiensis – qui vivait encore il y a seulement 18 000 ans, lorsque nous imaginions que seul subsistait l'homme moderne, à savoir Homo sapiens.

Mais cette interprétation n'est pas partagée par tous. Quelques jours seulement après l'annonce de la découverte, Marciej Henneberg de l'université d'Adélaïde faisait déjà part de ses doutes sur l'identité du squelette : l'homme de Flores lui rappelait un Homo sapiens vieux de 4000 ans découvert en Crète souffrant de microcéphalie, une anomalie morphologique caractérisée par une tête et un encéphale anormalement petits, généralement accompagnée de capacités intellectuelles réduites…

  1. *Nature, vol. 437, p. 1012 (13 octobre 2004).






Nanisme insulaire

L'homme de Flores présente en effet des caractéristiques très étonnantes : « LB1 »*, le principal spécimen mis au jour, ne dépasse pas un mètre de hauteur ! D'après ses ossements, il s'agit pourtant d'un adulte âgé d'une trentaine d'années.

Cette taille atypique peut s'expliquer par un « nanisme insulaire », un phénomène observé chez de nombreux mammifères herbivores (cervidés, hippopotames, éléphants, mammouths…) : isolés sur une île durant plusieurs générations, les animaux voient leur taille diminuer, ce qui s'explique facilement s'il on considère que face à une quantité de nourriture limitée, seuls les plus petits individus (dont les besoins sont moins importants) peuvent survivre.

Pour les australiens Mike Morwood et Peter Brown à l'origine de la découverte, Homo floresiensis aurait subi le même sort. Selon l'hypothèse qu'ils avançaient en octobre 2004, des Homo erectus seraient arrivés sur l'île de Flores il y a 800 000 ans. Leur taille diminuant progressivement, ils auraient évolué vers la forme Homo floresiensis jusqu'à la disparition complète de l'espèce, il y a environ 12 000 ans.

* LB1 = spécimen 1 trouvé à Liang Bua

Un cerveau trop petit

Pourtant, le problème ne touche pas tant la taille d'Homo floresiensis que celle de son cerveau. Mesuré d'après l'endocrâne de LB1, celui-ci est estimé entre 380 et 400 cm³ : le volume d'un pamplemousse, à peine le tiers d'un cerveau d'homme moderne.

Pour Robert Martin, primatologue au Field Museum de Chicago, ces dimensions sont anormales. Si la critique n'est pas nouvelle, elle est cette fois-ci argumentée. Dans une étude publiée en mai sur le site Internet de la revue Science*, le scientifique a comparé les dimensions de différents mammifères nains (ou pygmées) avec des individus de taille normale. Une règle invariable semble émerger de cette étude : toute proportion gardée, le volume du cerveau ne diminue jamais autant que le reste du corps.



En utilisant différents modèles, le chercheur est ainsi arrivé à la conclusion que si Homo floresiensis était bien issu d'Homo erectus, le cerveau de LB1 devrait appartenir à un individu n'excédant pas les 11,9 kg. Or, son poids estimé oscille entre 16 et 29 kg ! En revanche, le chercheur estime, chiffres à l'appui, que ce cerveau anormalement petit pourrait bien appartenir à un homme moderne atteint de microcéphalie.

En mars 2005, l'Américaine Dean Falk, du département d'anthropologie de l'université d'état de Floride à Tallahassee, avait pu modéliser l'endocrâne de LB1, et était arrivée à la conclusion qu'il ne présentait pas les déformations observées habituellement chez les patients victimes de microcéphalie. Robert Martin rétorque que ces déformations sont plus ou moins marquées selon les individus. « Je ne suis pas sûr à 100% qu'il s'agisse de microcéphalie, explique-t-il dans Science, il n'en demeure pas moins que ce cerveau est trop petit. »

* Science, Vol. 312, p. 999b (19 mai 2006)

Un ancêtre incertain


Pour Dean Falk, l'homme de Flores se rapproche d'Homo erectus Après avoir scanné le crâne d'Homo floresiensis, la neuropaléontologue Dean Falk et son équipe sont arrivées à la conclusion* que le cerveau de cet homininé ne peut appartenir à un individu souffrant de microcéphalie. En revanche, il se rapprocherait de celui d'Homo erectus.* Science, vol. 308, p. 242 (8 avril 2005) © DR

Autre cas de figure compatible avec les travaux de Robert Martin : celui qu'Homo floresiensis dérive d'un ancêtre plus ancien, possédant dès l'origine un cerveau aux dimensions réduites.

En 2004, Mike Morwood et Peter Brown estimaient que cet ancêtre devait être Homo erectus (apparu il y a 1,8 million d'années). Dans son étude menée au début de l'année 2005, Dean Falk était d'ailleurs arrivée aux mêmes conclusions.

Mais depuis, d'autres ossements ont été mis au jour, permettant à la fois de compléter (en partie) le squelette de LB1 mais aussi de retrouver les restes (très partiels) de huit autres individus. Fort de ces découvertes, les chercheurs australiens Mike Morwood et Peter Brown sont revenus sur leur première hypothèse : certes, la taille des dents et la morphologie faciale sont caractéristiques du genre Homo mais la stature et les proportions du corps rappellent plus celles de préhumains : celles d'australopithèques !


Incapable d'élaborer des outils ?

Soit. Homo floresiensis est peut-être issu d'une lignée plus ancienne. Mais alors se pose un nouveau problème : celui de la capacité de cet homme à fabriquer des outils élaborés. « Difficile en effet d'imaginer qu'une lignée préhumaine ait pu développer, parallèlement à l'homme moderne, le même savoir en matière d'outillage », juge Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologue à l'institut Max Planck de Leipzig (en Allemagne).

Des pierres taillées ont pourtant été retrouvées dans la grotte Liang Bua. Mais, « la relation entre ces outils et les restes humains n'est pas très claire, » estime le chercheur. « La plus grande partie de cet outillage provient d'une fouille située à une dizaine de mètres de celle où ont été retrouvés les ossements, le seul point commun étant leur profondeur. Tout spécialiste vous expliquera que la stratigraphie dans une grotte est quelque chose de très particulier et que la profondeur, à elle seule, ne peut suffire pour la datation. »

« Continuité technologique »

Pour certains, comme Robert Martin, ces objets particulièrement élaborés pourraient très bien avoir été taillés par des Homo sapiens de passage ou vivant sur l’île.

 

Il y a six ans, les australiens Peter Brown et Mike Morwood annonçaient avoir trouvé à 500 kilomètres à l'est de Java, sur l'île de Florès, des outils de pierre datant de 800 000 ans.

À l'époque, cette découverte avait semé le doute parmi les anthropologues du monde entier. Elle impliquait en effet qu'Homo erectus, notre ancêtre vivant à cette époque en Asie, ait traversé à bord d'embarcations la mer séparant Java des îles situées plus à l'est : exploit qui, jusqu'à présent, ne semblait pouvoir être accompli que par l'homme moderne, Homo sapiens…

L'insistance des deux chercheurs a pourtant porté ses fruits. En septembre 2003, ils découvraient dans la grotte de Liang Bua, toujours sur l'île de Florès, les ossements d'un étrange petit homme n'appartenant à aucune espèce connue.

Dans deux articles qui viennent de paraître dans la revue Nature ( vol.43, pp.1041/1055/1087 (28 octobre 2004) ), les auteurs de cette découverte montrent qu'il y a seulement 18 000 ans, bien après la disparition de l'homme de Neandertal (il y a environ 30 000 ans), Homo sapiens n'était pas le seul homininé ( Sous-famille des hominidés comprenant les genres Australopithecus et Homo, c'est-à-dire les préhumains et les humains. ) à vivre sur Terre : en Indonésie, subsistait l'homme de Florès, Homo floresiensis.

À la différences de nombreuses découvertes récentes, les restes retrouvés dans la grotte de Liang Bua ne se limitent pas à quelques éléments isolés. À 5,90 mètres de profondeur, dans une couche de terrain datant de 18 000 ans, les chercheurs ont en effet pu dégager un crâne presque complet accompagné de sa mandibule, une jambe droite, quelques éléments de la jambe gauche, des fragments de mains, de pieds, ainsi que quelques éléments de la colonne vertébrale, du sacrum, des clavicules et des côtes. Des ossements suffisamment nombreux pour que soit dressé un portrait précis de ce nouvel hominidé.

Chose marquante, cet individu est tout petit. Sa taille ne dépasse pas un mètre pour un poids ne devait pas excéder 28 kg.

Plus surprenant encore, sa capacité crânienne de seulement 380 cm³ est tout juste comparable à celle d'un chimpanzé. Aucun homininé n'affiche un cerveau aussi réduit. La capacité crânienne d'Homo erectus est d'environ 1000 cm³, celle d'Homo sapiens de 1300 cm³. Même Lucy, l'australopithèque, âgée pourtant de 3,2 millions d'années dispose d'un cerveau (légèrement) plus volumineux : 400 cm³ ! L'individu retrouvé n'est pourtant pas un enfant. Sa dentition et son ossification montrent clairement qu'il s'agit d'un adulte. Plus précisément, il s'agit d'une femme (d'après son bassin) d'une trentaine d'années.

Humain ou préhumain ?

Une petite taille, une capacité crânienne réduite… pouvait-il s’agir d’un préhumain, c’est-à-dire d’un australopithèque comme Lucy ? Les auteurs de la découverte l’ont pensé un moment. Mais les spécialistes ayant eu entre les mains cet étrange individu sont formels : sa position « debout » (attestée par la position du trou occipital, à la base du crâne, auquel se rattache la colonne vertébrale), et sa dentition fine sont des caractères indéniablement humains !

Il s’agit donc d’un homme à part entière, appartenant au genre Homo. Une nouvelle espèce est alors créée : Homo floresiensis, l’homme de Florès.

Nanisme insulaire

Reste à expliquer cette petite taille qui ne semble pas constituer un cas pathologique : les ossements – moins complets – de six autres individus, âgés de 70 000 à 18 000 ans, montrent en effet les mêmes caractéristiques.

Pour les auteurs de la découverte, « l'explication la plus vraisemblable de leur existence réside dans l'isolement à long terme (sur l'île de Florès) d'une population ancestrale d'Homo erectus qui a finalement conduit au nanisme. »

Ce nanisme, dit insulaire, est fréquent dans le monde animal. Lorsque des individus se retrouvent isolés sur une île, il s'opère une sélection naturelle : face à des ressources limitées, seuls les plus petits individus survivent car leur besoin en nourriture est moins grand.

Jamais pourtant le nanisme insulaire n'avait été observé chez l'homme. « Homo floresiensis montre que dans ses réponses adaptatives, le genre Homo est morphologiquement plus varié et plus souple qu'on ne le pensait », concluent-ils.


Ouvrier et chasseur

380 cm³. Une capacité crânienne aussi réduite pourrait laisser penser que l'homme de Florès était un incapable. Il n'en est rien ! Plusieurs éléments retrouvés dans la grotte de Liang Bua montrent en effet qu'Homo floresiensis était clairement capable de concevoir des outils, qu'il chassait et qu'il maîtrisait aussi l'usage du feu.

L'étude archéologique du site a ainsi révélé la présence de nombreux outils en silex noir et en roches volcaniques. Ces instruments sont constitués essentiellement de simples éclats, mais comprennent aussi des nucléus* avec de traces de coups portés de manière à obtenir des bifaces.

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au tisserand du site
Michel JOVINEmailto:svt@jovine.eu?subject=objet%20du%20courrier

SOURCES :

http://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/science-actualites/detail/

news/homo-floresiensis-polemique-autour-dun-trop-petit-cerveau/? tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Baction %5D=detail&cHash=788aec2c8c323712fe58af18a8b94cea

Les ossements retrouvés en septembre 2003 © Peter Brown

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